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Travail de nuit : comment améliorer les conditions de travail ?

Depuis 2010, le travail de nuit est considéré dans la réglementation comme un facteur dit de pénibilité, devenu facteur d'usure professionnelle. Sous certaines conditions, il permet de cumuler des points sur le compte professionnel de prévention (C2P). Mais comment est-il défini ? Quelle réglementation spécifique en la matière ? Quelles sont les actions à mettre en œuvre pour prévenir les risques professionnels et assurer la santé et la sécurité des travailleurs de nuit ?

Le travail de nuit, une notion très encadrée

Dans le BTP, le travail de nuit se retrouve dans de nombreuses situations : les travaux décalés pour éviter la coactivité (sur site industriel ou commercial…), les livraisons ou les déplacements d’engins en horaire décalé sur chantier, les travaux routiers ou de voirie, les ateliers de fabrication d’éléments de construction, les postes organisés sous astreinte, etc.

Selon le Code du travail, un salarié est un travailleur de nuit s’il effectue au moins 3 heures de son temps de travail habituel entre 21 heures et 6 heures, au moins 2 fois par semaine. Une convention, un accord collectif de travail étendu ou un accord d'entreprise peut modifier cette définition. Les conventions collectives du bâtiment et des travaux publics précisent notamment ces notions. La convention collective nationale des Etam de travaux publics du 12 juillet 2006 le définit comme une période de travail de 9 heures consécutives, entre 21 heures et 7 heures, incluant l'intervalle entre 24 heures et 5 heures.

Dans le bâtiment est considéré comme travail de nuit habituel l’accomplissement, au moins 2 fois par semaine dans son horaire habituel, d’au moins 3 heures de travail effectif quotidien entre 21 heures et 6 heures ou au moins 270 heures au cours d’une période de 12 mois consécutifs.

Depuis 2010, le travail de nuit est considéré comme un facteur d'usure professionnelle dans le Code du travail. L'employeur doit en tenir compte lors de son évaluation des risques, a l'obligation de le tracer dans le DUER (document unique d’évaluation des risques), s’il existe, et de mettre en œuvre les actions de prévention, collectives ou individuelles, afin de réduire ou de supprimer l’exposition des salariés à ce facteur de risque professionnel.

Compte professionnel prévention

Le travail de nuit est pris en compte au titre des rythmes de travail dans le compte professionnel prévention (C2P) dès lors que le travailleur a accompli au moins 1 heure de travail entre minuit et 5 heures, a minima 120 nuits dans l’année.


Une démarche de prévention pour réduire les risques

Les perturbations du rythme biologique peuvent provoquer des troubles du sommeil, une somnolence, une baisse de vigilance et des performances cognitives, pouvant être à l’origine d’accidents du travail ou de trajet (domicile-travail).

Le travail de nuit peut également entraîner une surconsommation de médicaments ou d'excitants, un isolement social, des troubles digestifs et métaboliques, un surpoids, des risques pour les femmes enceintes, la survenue de maladies comme l'hypertension…

Enfin, il existe des facteurs aggravants : un éclairage artificiel éblouissant ou insuffisant ; une ambiance thermique défavorable ; des pannes (matériel ou engin) ou ruptures de stock ; l'absence de pause ou des accès bloqués ; un environnement agressif (riverains, insécurité…). Les mesures de prévention sont organisationnelles, techniques, humaines et médicales.

Un suivi individuel renforcé de l'état de santé

À l'embauche, le travailleur de nuit bénéficie d’une visite d’aptitude, auprès du médecin du travail, préalablement à son affectation à un poste de nuit. Puis, il fait l'objet d'un suivi individuel renforcé (SIR), avec une visite tous les 6 mois.

Le dossier médical en santé au travail (DMST) permet de détecter des « signes cliniques d’alerte ». En lien avec le médecin du travail, il reçoit une information médicale spécifique sur le travail de nuit, qui s'accompagne de campagnes collectives de sensibilisation à une bonne hygiène de vie (conseils nutrition, gestion du sommeil...). L'usure professionnelle est évaluée régulièrement suivant un protocole élaboré par le CSE et le médecin du travail. Les femmes enceintes travaillant de nuit peuvent prétendre à une affectation à un poste de jour.

Penser l'organisation du travail de nuit autrement

En lien avec l’évaluation des risques, il sera nécessaire de s’assurer au préalable de la compatibilité des activités envisagées avec le travail de nuit (exigences cognitives, de vigilance, physiques…). Un travailleur de nuit ne doit jamais rester seul (rapprocher les postes, travailler en binôme…) ; à défaut, prévoir des secours dans des délais brefs. Ce dispositif Premiers secours doit d'ailleurs intégrer les spécificités du travail de nuit (prise de contact avant le début des travaux par exemple). Dans les situations de coactivité (centre commercial, site industriel…), des dispositions particulières sont prises avec le coordonnateur SPS ou dans le plan de prévention. Sur les chantiers, les conditions d’accès sont réfléchies en amont lors de la phase de préparation ; en cas d'incompatibilité avec les horaires des transports en commun, on peut imaginer un mode de transport collectif par exemple.

L'aménagement du temps de travail doit laisser la possibilité de prendre un repas chaud à mi-poste, prévoir des temps de pause réguliers, ajuster l’amplitude du travail de nuit à la difficulté du travail à réaliser. Les équipes intervenantes doivent avoir reçu une information sur les risques liés aux travaux de nuit et sur les dispositions arrêtées. Pour leur confort, l’environnement (riverains, habitants d’un quartier…) doit être prévenu avant travaux, à travers des informations écrites (dans les boîtes aux lettres, par exemple) ou des réunions.

De nombreuses actions organisationnelles sont possibles : un tableau de bord d’indicateurs d’alerte (AT, arrêts…), la priorité aux salariés volontaires, l'écoute des besoins des seniors, un dispositif de gestion anticipée des emplois et de formation permettant la mobilité entre différents types d’horaire… Le refus d’être affecté à un poste de nuit ne constitue pas un motif de licenciement s’il est motivé par des obligations familiales impérieuses.

Comment faciliter la transmission des consignes ?

La passation des consignes concerne les équipes qui se succèdent ou les conducteurs d'un même engin. Des registres, ou des fiches par exemple, en assurent la traçabilité. Elles permettent l’échange d’informations sur l’état des lieux (avancement de l’ouvrage, livraisons prévues, entretien de l'engin…), les évènements ou aléas importants (pannes ou incidents, solutions apportées). Pour qu'elles puissent se dérouler dans de bonnes conditions, l'organisation doit intégrer des aménagements spécifiques sur les zones de travail, désigner une équipe ad hoc et le temps nécessaire pour les effectuer.


Des locaux et postes de travail spécialement adaptés

L'aménagement des postes de travail vise à réduire la fatigue. La qualité et le dimensionnement des installations d’accueil sont adaptés à l’organisation du travail de nuit : prise en compte des heures de départ et d’arrivée, entretien des locaux d’hygiène et des toilettes, des réfectoires et vestiaires. Il faudra prévoir des espaces de repos, des locaux pour prendre des repas chauds ou boissons, et veiller au bon état des équipements : climatisation-chauffage, mise à disposition des EPI, installations techniques du chantier permettant une intervention rapide en cas de panne ou d’incident, etc.

Les règles d'or d'un bon éclairage

L'éclairage de chantier doit permettre de déplacer du personnel et des charges sans risque (chutes de plain-pied et de hauteur), d’éviter les heurts des travailleurs (avec des obstacles fixes ou mobiles) et les risques de collision (avec les véhicules et engins,) et, enfin, de surveiller le chantier dans sa globalité. Avant tout, il convient de définir les zones à éclairer : les zones de circulation extérieures et intérieures, les postes de travail, sans oublier les locaux annexes (parkings, escaliers, zones borgnes) et les zones d'évacuation du personnel (éclairage de sécurité).

Pour un éclairage extérieur, on a le choix entre des ballons éclairants, des mâts d'éclairage ou des projecteurs fixés sur structure, silo ou engin. Pour un éclairage intérieur, on installera un éclairage des zones de travail, de stockage et de circulation, avec des points d'éclairement fixes, éventuellement complétés par des projecteurs sur pied, des baladeuses, rubans à LED, tubes fluorescents protégés (classe II et IP5), etc.

Ces installations techniques doivent s'adapter à l'évolution des travaux. D'un entretien facile, les appareils d'éclairage sont fixés à une hauteur minimum de 2,30 m pour éviter tout risque de contact. En aucun cas, ils doivent vous éblouir. Veillez aussi aux transitions entre les zones éclairées et non éclairées. Les valeurs minimales d’éclairements fixées réglementairement peuvent être dépassées sur certains chantiers. Vérifier l'installation (au même titre que l'installation électrique provisoire du chantier) et prévoir une maintenance en cas de panne ou d’intervention.

Des EPI adaptés aux conditions de travail de nuit

La protection individuelle est notamment assurée par un vêtement de signalisation à haute visibilité (norme EN ISO 20471). Il comprend une matière fluorescente (jaune, rouge ou orange) pour assurer la visibilité de jour et une matière rétroréfléchissante assurant la visibilité de nuit.

Pour les travaux de nuit, les personnes exposées (signaleur, homme trafic, personnel travaillant sur chantier routier) doivent obligatoirement porter une tenue de travail de classe 3 (niveau de visibilité le plus élevé), une veste à manches longues, une parka ou une combinaison, par exemple. Lavages et entretiens réguliers : suivre attentivement la notice.

Balisage lourd des zones de travail : protéger les travailleurs et les usagers

La mise en place d'un balisage lourd est rassurant pour les compagnons. Il empêche tout véhicule quittant sa voie de pénétrer dans le chantier, absorbe les chocs liés à la circulation des usagers, interdit l'accès à toute personne étrangère au chantier. Véritable ligne de séparation entre le chantier et le domaine public, il clôture le chantier et définit un accès délimité et réglementé.

Selon la nature des véhicules, la fréquence du trafic et la configuration des voies ou des zones à séparer, ce balisage lourd sera soit en séparateur plastique (à remplir d'eau ou de sable) pour des emplacements à vitesse limitée (milieu urbain, giratoire), soit en béton armé (GBA) pour résister à des vitesses élevées et des chocs importants, soit en métal (glissières métalliques) pour une installation définitive ou provisoire de longue durée.

Nous vous conseillons de privilégier les automates, d'assurer la mise en place et la maintenance de la signalisation temporaire en amont des travaux, d'adapter la visibilité de la signalisation aux variations de luminosité et d'assurer la maintenance de la signalisation par des contrôles, nettoyage et entretien réguliers.